Pakistan : une veuve chrétienne chassée de son emploi et de son village suite à de fausses accusations de blasphème
Musarrat Bibi, pakistanaise chrétienne accusée à tort de blasphème, a été chassée de son emploi et a dû quitter son village suite à des menaces et ce, malgré son acquittement par la justice.
Le 15 avril dernier, une femme chrétienne Musarrat Bibi et un homme musulman Muhammad Sarmad (le jardinier de l'école NDLR) ont tous deux été accusés d'avoir profané des pages du Coran alors qu'ils faisaient le ménage dans un placard d'une école secondaire pour filles dans la province du Pendjab au Pakistan.
Ils ont tous les deux été acquittés le 8 décembre, mais la veuve de 45 ans affirme que malgré son acquittement, elle est victime de discrimination dans son travail et a dû quitter son village. Une situation qui a commencé lors de sa libération sous caution, le 12 mai dernier.
"Lorsque je suis rentrée chez moi après ma libération sous caution le 12 mai, j'ai commencé à recevoir des menaces de la part d'inconnus qui me disaient que même si le tribunal m'avait libéré de prison, j'étais toujours coupable d'avoir commis un blasphème et qu'ils n'épargneraient pas ma vie", a rapporté la veuve de 45 ans à Morning Star News.
"Cette fausse accusation a ruiné ma vie, m’obligeant à chercher refuge dans différents endroits depuis le moment où j’ai été libéré sous caution après mon arrestation le 12 mai."
"Je n'avais pas d'autre choix que de fuir le village avec ma fille. Cela fait maintenant près de sept mois que nous sommes en fuite, changeant constamment de lieu pour éviter d’être retrouvés", a-t-elle poursuivi.
En raison de la stigmatisation dont elle est victime suite à cette "fausse accusation", Musarrat Bibi affirme qu'il lui est quasiment impossible d'obtenir un emploi. Plaçant sa confiance en Dieu, elle a confié prier pour "obtenir le même emploi dans un autre district". Elle occupait un poste d'employée de bureau dans l'établissement, obtenu grâce au gouvernement suite au décès de son mari qui était enseignant.
La mère de deux enfants raconte comment elle s'est retrouvée accusée à tort de blapshème. Elle estime que l'incident est lié à un échange houleux avec une enseignante musulmane de l'école qui lui avait demandé de nettoyer les toilettes. "J'avais simplement dit à Madame Muneera que j'étais une employée de bureau et que ce n'était pas ma responsabilité de nettoyer les toilettes, mais elle a néanmoins insisté", a-t-elle expliqué.
Peu de temps après cet échange, elle a été convoquée par la directrice de l'école qui lui a indiqué, en présence d'autres professeurs, qu'elle "avait blessé leurs sentiments religieux en brûlant des pages coraniques".
"Je n’avais aucune idée de ce dont elle et les autres professeurs m’accusaient, mais malgré mes supplications répétées, certains professeurs m’ont poussé dehors, où j’ai été assiégé par les étudiants et les villageois locaux", a poursuivi la chrétienne. Elle a ajouté avoir commencé à prier en silence pour demander à Jésus de lui donner le courage de faire face à cette situation et estime qu'elle a été sauvée grâce à l'intervention de la police.
"L’intervention opportune de la police m’a sauvé la vie, sinon Dieu sait ce qu’ils m’auraient fait !"
Le plaignant dans cette affaire serait un cousin de Madame Muneera. Selon Lazar Allah Rakha, l'avocat des accusés, le juge en charge de l'affaire a admis qu'ils n'avaient "aucune intention délibérée de profaner les pages du Coran". "Le juge a également relevé les lacunes de l'enquête policière, constatant qu'il n'y avait aucun témoin privé contre les deux accusés", a précisé l'avocat.
Au Pakistan, les accusations de blasphème sans fondement sont extrêmement courantes et visent souvent les minorités religieuses, notamment les chrétiens qui se retrouvent confrontés à la violence et la colère des foules.
Selon le Centre pour la justice sociale (groupe indépendant basé à Lahore qui défend les droits des minorités), plus de 2 000 personnes ont été accusées de blasphème depuis 1987 et au moins 88 personnes ont été tuées par des foules en colères suite à ce type d'allégations.
Le pays est classé 7e dans l'Index Mondial de Persécution de l'ONG Portes Ouvertes qui indique que "les chrétiens sont considérés comme des citoyens de seconde classe et subissent de plein fouet les lois antiblasphème".
Camille Westphal Perrier